Pour que la vie dure! Chapitre 10.

  Les plaines rocailleuses de la montagne laissèrent place aux grandes forêts de hêtres. Jenny se perfectionnait petit-à-petit à l'équitation et la compagnie put se permettre de  galoper sur la plaine pour se redonner le sourire.
  Après une semaine passée avec la compagnie, le voyage du barbichu touchait à sa fin.
  Au milieu des grands arbres, tout le monde descendit de cheval et se dirent au revoir.
«J'espère de tout mon cœur que la quête sera une réussite, fit sincèrement Dan, n'hésitez pas à m'envoyer des nouvelles.
-Compte sur nous.»
  La princesse et le prince s'enlacèrent comme deux amis qui se disaient adieu. Albin s'avança alors vers lui.
«Je dois avouer que nous n'avons pas toujours été droits avec toi, et je te prie d'accepter mes excuses. Tu es quelqu'un à qui on peut accorder sa confiance.»
  Dan lui sourit chaleureusement. Le prince et la bandit se réconciliaient, c'était assez incroyable pour le souligner.
  Le jeune homme se remit en selle et s'apprêta à partir. Au fond, peut être que Karine était entre de bonnes mains, et c'était mieux ainsi. Celle-ci était plutôt triste que l'un des compagnons s'en aille, mais il le fallait.
«Faîtes attention aux gardes, conseilla le prince une dernière fois, ils patrouillent partout dans les forêts.»
  Sur ce, lui et son cheval firent demi-tour et partirent au trot de leur côté.
  Karine eut un peu la gorge serrée, mais elle se consolait en se disant qu'ils se reverraient un jour. Et elle était toujours au milieu de gens qu'elle aimait, en qui elle faisait confiance.
  Vicky frappa dans les mains et fit revenir tout le monde sur Terre.
«Allez, remettons-nous en route.»
  La troupe remonta à cheval et continua son chemin dans les bois paisibles. La traversée de la montagne avait pris presque toute la journée, et la pénombre de la nuit commençait déjà à s'installer.
  La compagnie s'arrêta au milieu des arbres et installèrent leur campement. Aucun feu réconfortant ne fut fait, pour ne pas se trahir. Ils se glissèrent dans leur couverture, et s'endormirent. L'estomac de Karine se tordit tout à coup. Elle avait un mauvais pressentiment. Un très mauvais pressentiment.

«Allez allez, debout là dedans, on ne va pas tarder à repartir!»
  Les paroles du bandit réveillèrent chacun qui se relevèrent péniblement.
«Argh! Se plaignit Hugo, une racine m'a broyé le dos. Pourquoi on repart si tôt?
-Plus vite on se remet en route, et plus vite on arrivera» se contenta de répondre Albin en lui lançant une pomme.
  Hugo grommela un peu et croqua dans son fruit.
«Oh non... Murmura Karine en se massant la tête.
-Quoi? S'inquiéta Jenny.
-Rien rien.»
  Si, il y avait quelque chose. Son mal de crâne était revenu. Elle cacha sa douleur aux autres en souriant de manière hypocrite. Elle ne s'en rendait pas compte, mais plusieurs mèches commençaient à changer de couleur et devenir foncées. Vicky et Albin l'avaient remarqué, mais ils s'étaient contentés de baisser la tête, et de finir de charger leurs affaires sur leur chevaux. Karine se leva après avoir rangé les siennes et demanda à aller remplir sa gourde à la rivière. La permission lui fut donnée. Elle quitta le campement pour l'orée de la forêt.
  L'eau coulait paisiblement tout le long du bois et offrait une eau douce à chaque voyageur qui s'arrêtait là. Elle faisait briller les pierres au fond et l'on pouvait facilement croire qu'un magicien avait creusé la rivière il y a bien longtemps.
  Karine s'agenouilla près du ruisseau et but une longue gorgée d'eau claire à l'aide de ses mains rassemblées pour calmer sa migraine. Elle prit ensuite sa gourde et la remplit. Son action achevée, elle se releva et regarda brusquement autour d'elle. Des bruits suspects avaient retentit dans les bois.
«Qui est là?»
  Soudain, quelqu'un l'attrapa par derrière et l'emmena dans la forêt en plaquant sa main contre sa bouche pour ne pas qu'elle crie. Karine se débattit et tenta de crier, en vain. Elle fut couchée derrière un gros tronc d'arbre avec son agresseur. Elle se retourna, et vit avec surprise Albin qui mit son index devant la bouche pour lui faire comprendre de ne pas faire de bruit. Ils regardèrent discrètement par-dessus le tronc, avant de se baisser précipitamment pour ne pas être vus. Une patrouille était en train de passer le long de la rivière.
«Une, deux, trois, quatre! Une, deux, trois, quatre! Une, deux, trois...»
  Karine essaya de compter dans sa tête combien de fois elle avait été sauvée in extremis. Elle était tenue fermement par l'albinos qui guettait le départ des gardes. La longue patrouille disparut de leur champs de vision au bout d'une minute. Ils purent sortir de leur cachette.
«Ouf! Il était moins une! Soupira Karine, merci Albin.»
  Il hocha la tête.
  Le bandit et la princesse s'apprêtèrent à revenir au campement, mais un cri suraiguë déchira le silence.
«Jenny! S'écria Karine.
-Non! Karine, n'y allez pas! Vicky peut les défendre!»
  Mais elle n'écoutait pas. Elle courait à toutes jambes entre les hauts arbres, suivie par l'albinos qui lui ordonnait de s'arrêter et de l'écouter.
  La princesse arriva enfin au campement, et eut une vision d'horreur: les gardes avaient trouvé le reste de la compagnie. Jenny avait un couteau sous la gorge et paniquait, Hugo avait quatre lances braquées sur lui, et Vicky faisait virevolter des flammes dans ses mains et s'était apprêtée à jeter des sorts sur la patrouille.
  Karine avait à peine fait un pas vers eux qu'elle se retrouva avec le reste des lances pointées vers elle. Albin arriva juste après, son épée à la main, prêt à se défendre et à défendre la compagnie.
«Si vous ne voulez pas réentendre son cri de musaraigne égorgée, conseilla le chef des gardes en montrant du menton Jenny sur une lueur de défi, je vous conseille de lâcher vos armes et de stopper vos sortilèges.»
  Vicky arrêta sa magie, et Albin jeta son épée au sol, énervés. Les gardes s'empressèrent de lier leurs mains dans le dos.
«Et merde» dit simplement le bandit.